Jean Pointu (1843–1925)
Jean Marie Pointu est né le 13 mai 1843 dans le Puy de Dôme. Bien avant son installation en Puisaye (1906), Jean Pointu débute son apprentissage de céramiste au contact des faïenciers de Nevers, ses parents s’y étant installés en 1850. Il rejoint ensuite la région parisienne au Bourget où il est contremaître dans une manufacture, puis s’installe à son compte à Fontainebleau en 1879. Là, il rachète une fabrique de céramique et poursuit la fabrication d’une collection de barbotines du type de Montigny sur Loing et de Marlotte. Il se rend ensuite en 1893 à Montreuil sous Bois (93) ; Montchanin (71) ; Decize (58) ; et selon le Dr Paul Mallet à l’abbaye de Roche à Myennes près de St Amand.
Et c’est à l’âge assez avancé de 63 ans qu’il se fixe définitivement à St Amand. Il commence par louer « la Poterie Neuve » route de Cosne (créée en 1904 par Lucien Brisdoux) puis l’achète vers 1915, il la revend un an plus tard à la société Bridoux et Grenon implantée à Bonny sur Loire qui en fait une « usine de guerre ». Elle servira à la confection de serpentins, bonbonnes et cuves utilisés par l’industrie chimique durant la grande guerre. C’est à la suite de cette vente qu’il entreprit avec la collaboration de son fils Léon Pointu de faire construire un nouvel atelier, de l’autre côté de la route (actuellement la Poterie de l’Etang). Il créera durant près d’une dizaine d’années des grès mats de grand feu, pour cela il embauche des tourneurs locaux ayant déjà collaborés avec les autres artistes potiers du groupe Carriès tel que Louis Pichard en 1906 ou Jean Normand en 1911. Dans un premier temps il cuira dans un four couché traditionnel avec l’utilisation de saloirs en guise de gazettes ; par la suite il se servira d’un four moufle de manière que ses grès ne soient jamais en contact direct avec la flamme.
Ignorant l’influence des potiers traditionnels de Puisaye, mais fortement inspiré du japonisme, Jean Pointu élabore une collection d’une grande variété de vases plutôt de petite taille. Privilégiant les formes bombées ou galbées très épurées, il s’écarte volontairement du courant de l’école de Carriès ; n’utilisant que très peu les guillochages et déformations si chers au maître et à ses suiveurs. Sa palette qui dans un premier temps était assez sombre avec de belles coulées brillantes, s’éclaircit par la suite. Ses superpositions d’émaux mats délicatement fondus, ses mélanges satinés de multiples couleurs deviennent sa marque de fabrique. Un somptueux émail dit « fourrure de lièvre » en est un exemple exceptionnel. Il eut toujours le souci de la perfection et rejette le côté aléatoire d’un William Lee ou Nils de Barck ; les surépaisseurs, gouttes incontrôlées, ou autres rugosités seront absentes de ses créations.
Ses différentes signatures sont très reconnaissables, il utilise dans un premier temps le tampon au « P fleuri » ; marque déjà utilisée à Fontainebleau, puis Jean .U gravé à la pointe et enfin . U inscrit à l’émail au cul des pièces. A noter que la forte personnalité de Jean Pointu influença durablement le travail de son fils Léon. En effet à son contact et tout au long de sa vie professionnelle un certain mimétisme s’était établi. Pour certaines pièces, seule leur signature respective permet de les attribuer à leur auteur. Dès 1907, il participe à de nombreux salons d’artistes et expos à Paris mais aussi dans la région nivernaise (Artistes Français 1908-10-11-12-13 ; Galliera 1911) Après la grande guerre Jean Pointu renonce progressivement à ses activités. Pourtant, toujours passionné, il rend de fréquentes visites à l’atelier dirigé dorénavant par son fils Léon Pointu, elles prirent fin en 1925 année de son décès à l’âge de 82 ans. Plus que tout autre, Jean Pointu refusera les hasards du feu ; dompteur exigeant, il se voudra le seul maître de son œuvre.
Texte E. Nesly d'après le catalogue du musée du grès ancien, à Premery : La Passion du grès L'école de Carriès de Patricia Monjaret et Marc Ducret, et de La grande aventure des grès flammées ; Photos Coll. Particulière et du catalogue : La Passion du grès L'école de Carriès. Toute reproduction est interdite sans autorisation de l'auteur.