Le transport des poteries par bateaux

       Du port de Neuvy étaient embarquées, essentiellement sur des salambardes, de nombreuses marchandises provenant de Neuvy et de la région. Autrefois, appelées « saint-rambertes » puis « saintrambardes », elles étaient fabriquées à St Rambert dans le département de la Loire, longues de 25 à 30 mètres, larges de 3,50 à 5 mètres, elles avaient 1,10 à 1,85 mètre de profondeur.

       Le trafic le plus important, qui fit la réputation de ce port, était celui des poteries fabriquées en Puisaye. C'est ainsi que pendant des siècles, ce bourg fut communément surnommé « Neuvy les pots ». La Puisaye posséda pendant longtemps de nombreuses richesses naturelles telles que les forêts et les produits extraits de son sous-sol. On y exploita le minerai de fer, l'ocre, et surtout l'argile brune pour la poterie grossière et la terre blanche pour la faïence. Depuis au moins le XVIe siècle, les grès de Puisaye étaient fabriqués à St Amand et St Vérain, mais ils se sont vraiment développés à partir du XVIIe. A cette époque, ces poteries étaient achetées, transportées et vendues le long de la Loire par les mariniers de Neuvy qui écoulaient ces produits de Nevers à Nantes, où une partie était embarquée vers l'Amérique.

       C'est surtout au début du XIXe siècle que la demande des clients du Val de Loire et de la région parisienne (par le Canal de Briare) entraîna le développement considérable de la production poyaudine. Mais, dans la seconde moitié du siècle, la surproduction, le développement de fabriques industrielles de faïences et l'apparition du chemin de fer entraînèrent la chute de nombreux ateliers et la disparition des marchands-mariniers de Neuvy.

       Le principal problème restait le transport des pots par charriots à chevaux, car les chemins de cette époque étaient en mauvais état, voire impraticables pendant de longues périodes. Pour arriver jusqu'au port de Neuvy, les « voituriers par terre » empruntaient la « route » de St Amand longeant la Vrille, qui était nommée « Chemin des Potiers ». Avant la construction du quai de Neuvy (en 1785), les pots étaient d'abord triés puis transportés sur une île de la Loire afin d'être chargés sur les bateaux à l'aide de grandes corbeilles d'osier.

       Un charriot transportait un ensemble de pots représentant 1500 à 2000 litres et un bateau de Loire pouvait charger environ 50 charriots. Le commerce en gros et le transport de la poterie de la région sud de la Puisaye, fut, surtout au XIXe siècle, le monopole de quelques familles de Neuvy, parfois affiliées à des familles de potiers. On retrouve par exemple les noms de : Corneau, Dethou, Athon, Boileau, Mousset, Moreau, Vée, Vivien.

       Parmi les mariniers, on distinguait les « marchands-voituriers » qui achetaient, stokaient puis vendaient les produits le long du fleuve, et les « voituriers par eau » qui transportaient et vendaient pour un tiers. Quelques mariniers de Neuvy avaient aussi leur propre fabrique : M. Athon à Arquian vers 1882 ou MM. Armand Dethou et Ramon à Neuvy. M. Jean Louis Vée d'Ange avait installé, au port, une poterie qui fonctionna de 1820 à 1824. La famille Bedu utilisa cet atelier jusqu'en 1870. M. Billard façonnait également des objets dans un atelier situé sur le quai. Par mépris, les potiers de St Amand surnommaient ceux de Neuvy « les crapauds ». Vivien Auditot, installé au confluent de la Loire et de la Vrille, fabriqua (vers 1860) de la poterie fine appelée majolique (pots à tabac, vases, plats à asperges, statues de « la mère Baptiste ».). Cet atelier, repris par la famille Corneau servit d'entrepôt, puis fut transformé, au début du XXe siècle, en une usine de caoutchouc qui devint, quelques temps plus tard, une cartonnerie.

       A cette époque, les fortunes se bâtirent davantage sur le commerce du bois et des pots que sur la fabrication elle-même. On retrouve par exemple Jacques-Auguste Lusigny, marchand de bois installé au port de Neuvy, qui racheta, au milieu du XIXe siècle, plusieurs ateliers en difficultés dans la région de St Amand et Arquian.

       Le rôle des commerçants-mariniers de Neuvy permit pendant plusieurs siècles le développement des poteries de Puisaye, mais financièrement, ils profitèrent largement de cette situation. Les relations entre les deux corporations furent souvent difficiles. Ainsi, dès l'apparition du chemin de fer, les potiers s'empressèrent d'abandonner le trafic fluvial.

       A partir, de 1870 environ, les pots étaient chargés à la gare de Neuvy puis à partir de 1905, ils rejoignirent la gare de Cosne par l'intermédiaire de la ligne à voie étroite de St Amand à Cosne par St Vérain, sur laquelle circula, jusqu'en 1939 « le tacot ». Cependant, en 1897, des chargements de poteries partirent encore de Neuvy, dont le dernier chaland de Loire qui gagna Nantes avec 70 tonnes de marchandises. De 1898 à 1905, quelques bateaux de faible tonnage descendirent jusqu'au canal de Briare ou jusqu'à Gien et Orléans. Le trafic du port de « Neuvy les pots » s'arrêta définitivement en 1905.

       Sur ce port on chargea aussi, à partir de 1821, de la terre argileuse blanche, destinée à la faïencerie de Gien. Cette terre était extraite à Neuvy puis à Arquian. Mais les carrières s'épuisèrent et ce trafic cessa vers 1877.


Extrait « Neuvy-sur-Loire Le commerce et l'industrie aux XIXe et XXe siècles », Ed. « Le vieux logis » 1994 de Yves Fougerat