Dans le livre de Marcel POULET, « Poteries et Potiers de Puisaye », l'auteur mentionne ce patronyme sur la commune de St­Vérain dès le XVII ème siècle ; en effet, les JACQUES y sont établis à La Millotterie ; seul le père de Roger, Abel Laurent (Albert), quittera ce lieu et rejoindra St­Amand au Faubourg des Poteries où il louera la poterie JEANNENEY ; poterie qu'il achètera par la suite à la mort de ce dernier.

Le dernier potier de cette descendance, Roger JACQUES nous quitta en 2001 à l'âge de 81 ans, après lui son fils aurait pu reprendre mais il le dissuada à lui succéder au grand désespoir de l'enfant d'ailleurs.

C'est dire le poids des traditions de ces générations qui pesèrent sur les épaules de notre potier. Dès son plus jeune âge, Roger JACQUES suivit un apprentissage auprès de son père Albert et des ouvriers de celui­ci dont un nommé FAULE (Gus Bonbon) . Malgré les réticences paternelles, le fils seconda le père dans les tâches journalières ; les cuissons, l'extraction de la terre et de l'ocre, le débardage du bois et bien sûr par un apprentissage du tour et autres techniques nécessaires au métier.

Au décès de son père, il reprendra l'affaire familiale, la fabrication traditionnelle de grosses poteries sera délaissée au profit d'une nouvelle collection de vaisselle. Il s'installera dans les communs du château en 1947, bâtiments achetés par son père en 1943.

A 17 ans il suivit une formation dans un laboratoire d'essais du fabricant de céramique PORCHER, industriel à Revin. Ce qui lui permit par la suite de développer toute une gamme d'émaux des plus aboutis. Toujours appliqués uniformément, sans superposition, le plus souvent mat ou satiné. Pour les pièces uniques, des gris, bleu, noir intense, vert, rouge vif... Pour la production courante un blanc cassé laissant transparaître une terre fortement ocrée du plus bel effet. Les galbes sont souples, le tracé épuré sans fioritures ni décor intempestif.

Cet atelier devint rapidement une petite entreprise très prospère, bien placée au pied du château, Roger Jacques proposait sa production aux touristes de passage, mais aussi à de nombreux magasins qui venaient s'approvisionner sur place.

Les visiteurs ne pouvaient oublier ce lieu prestigieux datant de l'époque de la construction du château. D'abord après avoir monté les quelques marches et franchi le seuil, on était accueilli par le maître des lieu ou son épouse dans cette grande salle où trônaient d'énormes tables tronçonnées dans de vieux chênes multi­centenaires. Puis, une enfilade de pièces plus modestes s'offraient à notre regard ; un ou deux tourneurs au travail, une personne à l'ansage ou à l'émaillage, un lieu de recherche des émaux et partout des assiettes et des écuelles « en cru » empilées par milliers à même le sol. Quelques écriteaux nous avertissaient « ne pas toucher SVP ». On débouchait ensuite à l'emplacement des fours, le plus ancien cuisant au bois, le plus récent au gaz. Pour terminer, ce grand hangar recouvert de tôles, bien froid l'hiver et brûlant l'été où étaient exposés les fruits de tant de manutention et d'attention - les assiettes, les écuelles, bols et tasses, plats et saladiers de toutes tailles, pichets, cafetières et bouteilles - tout ceci selon la saison ou la disponibilité du moment.

Au fond, à gauche trônait un buste de Balzac modelé par Rodin et cuit par Jeanneney dans le grand four couché du faubourg ; ce buste, comme un jalon de l'ancien temps semblait surveiller les allées et venues des visiteurs. Au décès de Roger, ce prestigieux témoin, mal cuit par ailleurs, c'est comme volatilisé... pour faire place quelques années plus tard à cet ensemble dorénavant appelé « Les Ateliers du Château ». A n'en pas douter, Roger JACQUES serait sûrement surpris mais admiratif devant ce bel et nouvel écrin restauré voué à l'artisanat d'art.