Issus d'une longue lignée de potiers, il était difficile pour Jean et Roger Gaubier de déroger à la règle ; ils suivirent donc les pas de leurs aïeux. Leur père, François Eugène (1882-1917) étant décédé des suites de guerre, c'est à leur grand-père François (1852-1924) qu'ils succéderont, tout naturellement, à sa mort en 1924. L'atelier familial était situé Faubourg des Poteries, juste à côté du four de Raymond Gaubier, dit « Cadet ».
Jean pour sa part, suivit un apprentissage auprès de Jean Maubrou son voisin de La Bertille. Vraisemblablement de 1922 à 1924. Un fait est à noter, sensiblement à la même époque 1920/1928, Adrien Lacheny qui intégrera la fratrie Lacheny, route des Thus, suivra également une formation céramique dans cet atelier.
Au terme de cet apprentissage, les deux frères Gaubier s'associent sous la dénomination commerciale « Gaubier Frères ». Cela jusqu'au décès de Roger survenu en 1941. Jean continuera seul la fabrication de céramique artistique, que l'on appelait aussi un peu péjorativement « poterie fantaisie ». En effet, le désintérêt pour la poterie traditionnelle se faisant de plus en plus pressant, il devenait vital de trouver de nouveaux débouchés.
Il s 'engagea dans une production de petites pièces en faïence colorée. Essentiellement fabriquée par coulage, cette collection eut un franc succès. Au catalogue figuraient des services à café, à thé, à liqueur, à tabac ainsi que des coupes, vases et autres pièces décoratives. Ce type de bibelots trônaient très souvent bien en vue sur les buffets de salle à manger de nos grands parents !
Sur St Amand, trois entreprises réalisaient ces céramiques appelées aussi « majoliques » : la plus ancienne, l'atelier de Jean Maubrou, celui des frères Lacheny et pour terminer celui des frères Gaubier ; dans une moindre mesure, Jean Langlade puis Louis Cagnat continueront dans cette voie sur Dampierre et Moutiers.
Dans tous ces ateliers, les céramiques étaient cuites dans des fours moufle, fours dont le contenant n'était pas en contact direct avec la flamme.
De nombreux émaux participaient à l'originalité du produit, tous achetés à Golf Juan aux établissements L'Hospied. De couleur vive et brillante et même crue parfois, ils semblaient vouloir rompre intentionnellement avec la palette des émaux mats de l'Ecole de Carriès. Le vert cru, le bleu vif, le noir brillant, le rouge lie de vin étaient couramment utilisés seul ou en superposition.
Pour la matière première, l'argile, Jean Gaubier s'approvisionnait chez le Père Boulmier à La Maison Fort. Cette terre claire et plastique cuisait autour de 1000° et faisait l'objet de soins particuliers. Extraite des carrières locales, elle passait par de longues étapes de transformation, elle était broyée, délayée, tamisée et séchée jusqu'à consistance souhaitée.
La confection des moules, parfois de conception élaborée, était réalisée par un modeleur mouleur originaire de limoges ; M. André Dupuis. Concernant les débouchés de cette production faïencière, la vente locale au détail était bien sûr privilégiée mais aussi de petits magasins venaient s'approvisionner directement à l'atelier ; des bijouteries ou quincailleries possédaient un petit rayon cadeaux. Il existait aussi des grossistes tel Mme Siam de Neuvy sur Loire qui revendaient cette marchandise dans les lieux touristiques de l'époque.
Cette production faïencière commencée dans les années 20, poursuivie jusque dans les années 70 ne fut pas anecdotique ; par sa demande croissante de main d'oeuvre, elle contribuera à ce que de nombreuses familles ne s'expatrient hors de St Amand. Elle permit aussi à ce village, à un moment où le grès était moins à la mode, d'avoir pu lui garder une certaine attractivité céramique ; Ceci en l'attente d'un nouveau courant artistique représenté, entre autres, par Roger Jacques, Jacques lacheny, Charles Gaudry, Daniel Auger ou Robert Deblander.
Tel un cycle qui s'achève, l'ère de la faïence était bien révolue ; le développement des résidences secondaires en Puisaye et l'arrivée des parisiens, remirent le grès en grâce. Sur sa fin de carrière, après s'être séparé de salariés, il continuera à travailler avec deux personnes et son épouse. Il vendra une grande partie de sa production dans son magasin, Place Carries, jusqu'à sa retraite en 1974.
En 1975 Daniel Auger après y avoir travaillé occasionnellement, louera les locaux ; une nouvelle histoire commencera...
Texte : B. Nesly, d'après les témoignages de Pierre Lacheny et de M. et Mme Bailly Gaubier.
Photos : Famille Bailly Gaubier ; Mme Marcadé ; B. Nesly.
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