Né à Paris en 1937, Alain Gaudebert quittera la capitale durant la guerre pour Nantes. Son père éditeur de romans et de poésies, garde toujours une porte ouverte aux artistes et gens de lettres ; milieu qui plongera Alain dès son enfance dans le monde des Arts.
A l'âge de 15 ans, il s'embarque pour trois ans de cabotage puis deux ans de pêche en haute mer. Afin de faire face à la rudesse de la vie de marin, il s'adonne à la lecture, à la peinture et au dessin remplissant ses indispensables carnets de bord d'observations ; cette soif de curiosité se retrouve aujourd'hui dans son travail de céramiste. Il entreprend ensuite une formation scientifique aux Arts et Métiers à Paris, et entre dans l'industrie.
Dans les années 70, poussé par le désir de créer une oeuvre personnelle, il choisit de s'installer en Puisaye à Saint-Aubin-Château-Neuf dans l'Yonne. Il abandonne ses responsabilités industrielles pour se consacrer à la céramique et y construit en 1975 son four à bois à flamme renversée d'un mètre cube. Ce four qu'il utilise encore aujourd'hui à un rythme soutenu de vingt-cinq à trente cuissons par an.
Peu de temps après son arrivée en Puisaye, Alain ressentira le besoin de perfectionner sa technique ; c'est tout près, à Ratilly chez Jeanne et Norbert Pierlot qu'il trouvera au cours d'un stage de quinze jours sa véritable vocation.
De même, ses rencontres avec Vassil Ivanoff furent déterminantes dans la démarche d'Alain et orienteront définitivement son travail vers l'univers du grès et des « rouge de cuivre ». Ce céramiste l'a tant inspiré que ses premières cuissons seront toutes vouées à la recherche d'émail. Il s'investira par la suite comme responsable du musée Ivanoff. Et fut également membre fondateur et président de l'Association des Potiers Créateurs de Puisaye de 1990 à 1996.
D'autres maîtres à penser deviendront ses références. De sa visite chez Robert Deblander, il retiendra la puissance graphique et la magie du feu de bois. Il est aussi l'un des émules de Carriès, séduit par ses émaux mats et ses craquelés. Dans un autre registre, Alain souhaite rendre hommage à Marcel Poulet, homme d'art et de culture qui lui fit découvrir la poterie traditionnelle de Puisaye. Travail résolument utilitaire mais qui par ces effets de matière et ce façonnage à la fois maîtrisé et plein de spontanéité lui donne un charme sans égal. Les déformations sur les panses des grès du pays l'interpelleront.
Plusieurs années furent nécessaires pour dompter la matière sur le tour ; ses pièces sont modelées, cabossées tout en s'inspirant des formes locales de Puisaye. Il s'amuse à décentrer ses pots afin de leur donner mouvement et vivacité. Son oeuvre est prolifique et variée, il crée ainsi des pichets affichant d'étonnants dessins d'oiseaux, d'immenses bouteilles longilignes au corps torturé et autres jarres, tasses, et bols. Le potier devient également sculpteur et graveur ; et chaque pièce fera l'objet d'un travail préparatoire sur papier. Suite à une mission pédagogique de 3 ans à Mayotte, naissent des boites "fossiles" créées à partir de plaques agrémentées de décors en relief de taureaux, poissons et autres graffitis zoomorphes. Il crée également une série de têtes en bas-relief ainsi qu'en ronde-bosse radicalement sculpturales, celles-ci accompagneront la pièce de théâtre de Ionesco "Jeu de massacre" à Auxerre en 2004.
A partir de 2007, Alain concevra des séries de "falaises", « stèles » et « torses ». Pièces toutes droites sorties du chaos, tel un magma répandu après une éruption volcanique. Pour ce faire, il recueille sur les routes de ses voyages et de randonnées, cailloux, fossiles et autres empreintes de boue, de roches, ou encore d'écorce d'arbre ; même des traces de pneus moulées dans des chemins creux complèteront ses collections ! Une façon d'engranger les émotions, de garder en mémoire de minutieux détails.
Le feu maîtrisé, l'alternance d'atmosphères réductrices et oxydantes, des émaux complexes lui permet d'élaborer une palette riche et étendue. Il se lance à corps perdu dans cet émaillage excessif, aux épaisseurs interdites, aux superpositions volcaniques engendrées par les dépôts de cendres ; se côtoient les sang-de-boeuf mêlés aux rouges frais, bordés de turquoise, striés de verts, de bleus, de gris, de noirs métallisés...
Il multiplie les techniques de pose, par trempage, au pinceau... mais c'est l'alchimie qui se crée au moment de la fusion de la matière qui aura le dernier mot. Comme le faisait Chaplet, Alain n'hésite pas à recuire ses pièces qu'il juge "fades" jusqu'à obtenir l'effet désiré.
Trente ans d'effort, une tâche énorme se profile au quotidien, son oeuvre multiple de coloriste, de graphiste et de sculpteur atteint aujourd'hui son plein épanouissement au travers du médium céramique.
Cette oeuvre est dense, à la fois foisonnante, mais cohérente, soutenue par la recherche de formes sans cesse renouvelées, d'émaux toujours plus audacieux. L'ouvrage d'un vrai créateur, en même temps intemporel et de son époque.
Texte E. Nesly. d'après les textes de :